Pourquoi Le Cameroun Produit Autant De Champions... Et Si Peu D’Infrastructures ?

Publié le 
3 mai 2025

Le Cameroun est un paradoxe sportif à lui seul.

À première vue, c’est un pays d’athlètes : Roger Milla, Samuel Eto’o, Francis Ngannou, Joel Embiid ou encore Marie-Josée Ta Lou (née en Côte d'Ivoire mais formée au Cameroun) ont tous marqué ou marquent encore l’histoire du sport mondial.

Pourtant, derrière ces exploits individuels se cache une réalité criante : le Cameroun manque cruellement d’infrastructures sportives modernes et accessibles.

Comment expliquer ce contraste si frappant entre talents exceptionnels et manque de moyens ?

Un terreau naturel favorable

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Le sport au Cameroun n’est pas qu’une pratique, c’est une culture.

Dans les quartiers populaires de Douala ou de Yaoundé, les enfants jouent au football pieds nus sur des terrains vagues, improvisent des rings de boxe dans des hangars, courent sur les collines sans chaussures.

Dans les rues, les maquis, les réseaux sociaux, et jusque dans les applications mobiles où chacun suit le score en direct Cameroun de son équipe ou athlète préféré.

La précarité devient un facteur de résilience.

L’absence de moyens pousse les jeunes à développer une puissance mentale et physique hors norme.

Comme l’a souvent raconté Francis Ngannou, c’est dans les carrières de sable de Batié qu’il a forgé sa condition physique.

Le climat, la topographie variée et une génétique avantageuse pour certaines disciplines complètent ce tableau.

Il n’est donc pas surprenant que le Cameroun soit une pépinière de talents bruts.

Des filières de détection informelles mais efficaces

Même en l’absence d’un système étatique structuré, des circuits alternatifs se sont mis en place.

Clubs privés, centres de formation indépendants, détections organisées par des recruteurs étrangers...

Beaucoup d’athlètes camerounais sont repérés très jeunes, souvent exportés rapidement vers l’Europe ou les États-Unis, où ils bénéficient d’un encadrement de haut niveau.

Le phénomène touche autant le football que la boxe, le basketball ou encore l’athlétisme.

Cette diaspora sportive devient parfois le seul véritable canal de professionnalisation.

C’est aussi une stratégie de contournement face à la lenteur, voire à l’inefficacité, de l’appareil sportif public.

Un État à la traîne

Depuis les années 90, la gestion du sport au Cameroun est marquée par des insuffisances chroniques : manque d’investissements durables, corruption, infrastructures vétustes, mauvaise gouvernance.

Les grands stades construits pour la CAN 2021, bien que spectaculaires, contrastent avec l’absence criante d’équipements de base dans les quartiers populaires ou dans les régions rurales.

Les budgets sont souvent absorbés par les grands événements et la communication, au détriment du sport de masse ou de la formation continue.

Peu de gymnases fonctionnels, des piscines à l’abandon, des pistes d’athlétisme usées... Pourtant, les besoins sont immenses.

Le poids de la débrouille

Ce déficit pousse les athlètes à bricoler. Les coachs improvisent avec peu.

Les clubs survivent grâce à des mécènes locaux ou à la passion de bénévoles. Le modèle économique est fragile.

Mais c’est aussi ce qui rend les parcours de réussite si spectaculaires : ils sont le fruit d’une volonté individuelle hors du commun, plus que d’un système efficace.

Ce phénomène n’est pas propre au Cameroun. Beaucoup de pays africains connaissent le même déséquilibre.

Mais au Cameroun, l’ampleur du contraste entre richesse humaine et pauvreté structurelle reste particulièrement frappante.

Quelle sortie de crise ?

Des solutions sont sur la table.

Décentraliser la gestion du sport, développer des partenariats public-privé, renforcer les écoles sport-études, mieux encadrer les jeunes talents avant leur départ à l’étranger... Les idées ne manquent pas.

Mais sans volonté politique forte et sans transparence, le cercle vicieux pourrait perdurer.

En attendant, le Cameroun continuera probablement à produire des champions... presque malgré lui.

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