Imagine une prison de haute sécurité. Des détenus au lourd passé. Un metteur en scène passionné. Et une pièce de théâtre absurde.
C'est l'incroyable cocktail qui a donné naissance à l'affaire des "Prisonniers de Beckett", un événement aussi théâtral qu'insensé.
Tout commence à Kumla, une prison suédoise réputée pour sa rigueur
En 1985, Jan Jonson, acteur et metteur en scène suédois, décide d’enseigner le théâtre aux détenus.
Son choix se porte sur "En attendant Godot" de Samuel Beckett, une pièce qui parle d’errance, d’attente et de liberté inaccessible.
Ironique, non ?
Contre toute attente, cinq prisonniers, dont certains purgeaient des peines pour braquage et homicide, se prennent au jeu.
Ils répètent pendant des mois et finissent par livrer une performance si saisissante que le public en redemande.
Même Beckett, à Paris, entend parler de cette troupe pas comme les autres et envoie une lettre de soutien.
Un succès inattendu... et une cavale théâtrale
Portés par cet élan, les détenus reçoivent l'autorisation de quitter la prison sous escorte pour une tournée en Suède.
Oui, tu as bien lu : des criminels en permission pour jouer du théâtre.
Une première représentation triomphale a lieu à Stockholm, puis une autre à Göteborg... mais c’est là que tout bascule.
Juste avant d'entrer en scène, une partie des acteurs disparaît. Pas un simple retard. Pas un coup monté pour le spectacle. Une véritable évasion.
Les autorités, prises de court, lancent immédiatement une chasse à l’homme.
Mais les fugitifs sont déjà loin.
Que sont devenus les prisonniers de Kumla ? Ont-ils été retrouvés ?
Les recherches durent des mois, voire des années.
L'un des évadés, Zoran Lovrencic, parvient à s’échapper jusqu’en Espagne avant d’être finalement arrêté et extradé en Suède.
Il purge alors sa peine jusqu’au bout.
D'autres, comme Francisco Cabrerizo, disparaissent sans laisser de traces et ne seront jamais retrouvés.
Un vrai scénario de film.
Certains des fugitifs ont refait leur vie à l’étranger sous une nouvelle identité.
D’autres ont été capturés, mais le mystère plane encore sur le sort de quelques-uns d’entre eux.
Un documentaire et un film inspirés de cette histoire
Cette affaire improbable a inspiré un documentaire : "Prisonniers de Beckett", réalisé par Michka Saäl.
Il retrace le parcours de ces détenus-artistes et explore l'impact du théâtre sur des hommes que la société considérait comme irrécupérables.
Mais ce n'est pas tout.
L’histoire a également servi de base au film "Un Triomphe" (2020), réalisé par Emmanuel Courcol et porté par Kad Merad.
Ce long-métrage s’inspire librement des événements de Kumla et met en avant le pouvoir transformateur du théâtre, tout en y ajoutant une touche plus romancée.
Alors, coup de génie ou échec total de l'administration pénitentiaire ?
Une chose est sûre : ces prisonniers ont prouvé qu’on pouvait attendre Godot... ou s’enfuir en plein acte final.